Audition de Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche, et M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Madame la Ministre,
“L’écologie, ça commence à bien faire” disait un éminent chef de l’état, depuis condamné pour avoir négocié un pacte corruptif avec un terroriste; mais là n’est pas notre sujet du jour. Dans le chaos politique surjoué au sein du “socle commun” ces temps-ci, cette citation a tout de même le mérite de dresser un fil rouge, une cohérence, peut être un mantra même de votre gouvernement, mais aussi du précédent, et puis du précédent et puis du précédent, qui reposent tous sur un socle pas si commun que ça, sauf quand il s’agit de s’attaquer à l’écologie.
Un beau motif d’union sacrée, vous en conviendrez, qui aura conduit ce socle commun à s’obstiner, au mépris de la justice de notre pays, sur le chantier de l’A69 ; à suspendre puis reprendre, mais avec 1/2 milliard d’euros de crédits en moins, MaPrimeRenov; à passer en force pour réintroduire un néonicotinoïde tueur d’abeille, au mépris des revendications pour le revenu agricole; à remettre en cause avec une constance qui force l’admiration l’agriculture biologique, les énergies renouvelables, ou les objectifs climatiques, de baisse de l’artificialisation des sols ou de la pollution de l’air.
Tout cela commence à bien faire : parce que malgré les milliards d’euros que nous auront coûté les canicules et les feux dans l’Aude, qui s’ajouteront donc aux 40 milliards d’économies qu’il faudra faire pour éponger votre dette, je dis bien votre dette, vous réaffirmez ce cap dans ce budget.
Tout cela commence à bien faire, et plutôt que de sortir des dépenses néfastes au climat et d’enclencher les investissements supplémentaires nécessaires – il faudrait + 110 milliards d’euros par an d’ici 2030 par rapport à 2021 – vous préférez surtaxer l’énergie solaire, réduire le budget du fonds vert à 650 millions d’euros au lieu des 2,5 milliards annoncés l’an passé, une double division par deux en un an, chapeau l’artiste, vous préférez baisser les crédits nécessaires à la préservation de la biodiversité, aux parcs nationaux et aux réserves naturelles, et faire de même globalement pour tous les budgets de la transition.
Tout cela n’a rien à voir avec une quelconque volonté populaire : 2 Français sur trois estiment que l’État doit intensifier la planification écologique et créer des emplois dans la transition, même si cela implique un cadre plus contraignant ou des coûts supplémentaires.
Madame la Ministre, l’un de vos prédécesseurs déclarait en 2023 qu’il fallait modéliser un scénario à +4°C de réchauffement climatique, alarmant sur la nécessité de se “préparer”. 2 ans plus tard, vous faites comme si la simple reconnaissance du danger suffisait à le conjurer — et tout cela, commence sérieusement à bien faire.
On ne peut pas, Madame la Ministre, d’une main, signer l’Accord de Paris et, de l’autre, en effacer les lignes dans le budget de la Nation.
Madame la Ministre, je sais bien que vous n’êtes pas responsable de tout ce que je viens de dire. Mais par contre, vous serez responsable à partir de maintenant. De chaque ligne budgétaire sur la préservation d’un vivant qui s’effondre, sur les mobilités durables ou les polluants éternels, de chaque recul sur la dignité des plus précaires face aux impacts de l’inaction climatique, de chaque poste en moins à l’ONF, aux parcs naturels, aux collectivités en charge de la transition. Responsable, enfin, de chaque vie abîmée par cette inaction, de chaque avenir amputé pour les plus jeunes.
Madame la Ministre, ma question est simple : comment comptez-vous être responsable de tout cela ?

