“Il faudrait éliminer le loup de toutes les surfaces pastorales”, Emmanuel Macron, juillet 2025

Le 3 juillet, le Président de la République se rendait en Aveyron pour fêter les 100 ans de l’AOP Roquefort. Lors de ce déplacement, celui-ci déclarait qu’“il faudrait éliminer le loup de toutes les surfaces pastorales”. Nous ne savons ce qu’il attendait en déclarant une telle ineptie : relancer la bataille entre les partisans de la protection de la biodiversité et les plus ardents opposants au loup ? 

Je refuse la simplicité des formules choc, et des solutions faciles, je refuse les postures et les clivages construits. Je refuse les faux discours de ceux qui se disent ardents défenseurs des agriculteurs, et qui détruisent leurs terres, polluent leurs sols, nourrissent leurs cancers, ferment les hôpitaux, et refusent le débat sur une rémunération juste en agriculture. Je refuse les discours qui ne crient qu’au loup depuis des années, tout en refusant d’anticiper les crises sanitaires en pagaille, en rejetant les prix rémunérateurs et en négociant en sous-main des accords de libre-échange indignes. 

Dans cette même déclaration, le Président insinuait aussi que le loup aurait été réintroduit en France. C’est complètement ignorer les conditions du retour du loup en France, et ce n’est pas à la hauteur des propos d’un Président de la République. Sur un sujet aussi complexe que la cohabitation entre le loup et les activités d’élevage, qui touche tant de personnes, ces approximations qui virent au complotisme sont regrettables.

Co-rapporteure de la Mission d’Information Parlementaire sur la défense du pastoralisme, je crois au contraire que répondre à une situation complexe par des mesures simplistes, court termistes et surtout non éprouvées, ne pourra jamais constituer une réponse politique satisfaisante. 

Sur les tirs de prélèvement, aucune analyse quant à l’efficacité de la protection des troupeaux et des tirs létaux n’a été menée. La thèse réalisée par Oksana Grente, Understanding the depredation process in grey wolf (Canis lupus) and its interactions with lethal measures: focus on the French Alpine Arc, 2021, montre des effets très contrastés des tirs létaux sur la prédation. Dans sa note de position sur le projet de Plan National d’Actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage, le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime que les tirs létaux doivent “nécessairement s’appuyer sur les connaissances objectives concernant l’effet de ces tirs sur les populations de loups et sur les niveaux de prédation qui en résultent pour les troupeaux”. Aussi, la modification du protocole de tir dans une logique de simplification et sans tenir compte des réalités locales est infondée scientifiquement dans une contexte où des études pour évaluer l’efficacité des tirs sont en cours et n’ont pas encore rendu leurs conclusions. Elle ne bénéficie donc à date d’aucune légitimité scientifique. Un bilan sérieux doit donc être conduit rapidement. Ce bilan doit également servir à la construction d’une stratégie de long terme qui ait pour objectifs clairs : la pérennité des systèmes pastoraux et d’élevage extensif, et la préservation des écosystèmes incluant le loup.

Dans ce contexte, nous travaillons avec les Écologistes pour formuler des recommandations pour améliorer la coexistence des élevages et du loup, loin des solutions simplistes. Ce sont des propositions que nous formulions déjà lors de la consultation sur le projet de plan national loup 2024-2029. 

Ce qu’il faut soutenir en premier lieu, c’est l’amélioration drastique de la protection des troupeaux via : 

  • Un renforcement à la fois des moyens financiers et humains de l’Office Français de la Biodiversité et des brigades de louvetiers, pour accélérer et renforcer l’adaptabilité de leur capacité d’intervention dans le cadre du déclenchement des tirs de défense.
  • Le développement d’outils de prévention efficaces pour les attaques sur bovins
  • Le soutien au développement de moyens non-létaux et de procédés de protection dits “alternatifs” (piégeages, surveillance électronique, effarouchage…)
  • Le soutien aux expérimentations locales (notamment dans les PNR), visant à améliorer la cohabitation avec le loup
  • La mise en place de stratégies et des solutions locales adaptées à chaque contexte et définies avec les acteurs locaux

L’enjeu est aussi de mieux accompagner et protéger les éleveurs et bergers pour faire face aux prédations, via : 

  • L’accompagnement à la formation des éleveurs et bergers face à ces nouveaux risques (formations sur l’élevage des chiens de protection, ou sur l’éthologie du loup) en prévoyant une automatisation de droits et d’accès à la formation pour les professionnels – incluant ici les bergers, dans le cadre de leur travail saisonnier
  • L’accompagnement humain et financier, lorsque cela est pertinent, à la modification des pratiques d’élevage, pour réduire le risque de prédation (ex : changement de pâturage vers des zones moins exposées pendant les périodes à risque, rassemblement nocturne)
  • La reconnaissance d’un statut pour le chien de protection pour garantir la protection de nos éleveurs sur le terrain, en limitant leur responsabilité juridique
  • Le renforcement des soutiens financiers pour les frais liés aux chiens de protection
  • La généralisation d’un accompagnement psychologique et social des éleveurs subissant une attaque
  • La mise en place d’un fonds assurantiel pour les chiens de protection
  • Le développement d’une véritable politique de sensibilisation des usagers, des professionnels du tourisme et des sports de plein air vis-à -vis des chiens de protection
  • Etudier la possibilité de reconnaître l’existence de troupeaux non-protégeables, du fait des conditions matérielles et géographiques

Bien sûr, le développement et le soutien à la recherche et aux études scientifiques est primordial pour :

  • Mieux comprendre les déterminants de la prédation sur les troupeaux et l’éthologie du loup
  • Mieux comprendre l’efficacité relative des différentes solutions de protection de troupeau, et ce selon les contextes locaux 
  • Mieux anticiper l’installation des meutes, et ainsi mieux anticiper l’adaptation des pratiques consécutives à l’installation pérenne des loups plutôt que d’attendre et subir des situations de crise.

Enfin, réduire les activités pastorales à la seule problématique de la cohabitation avec le loup est un leurre. Tant de défis sont à relever, sur le juste revenu des éleveurs, sur le renouvellement des générations et la transmission, sur la gestion du foncier, sur la cohabitation avec les autres activités de montagne, sur le changement climatique et ses impacts, sur la concurrence toujours plus déloyale. Loin des formules chocs, à la suite de la mission d’information transpartisane que j’ai conduite pendant plus d’un an, je proposerai dans les prochains mois une proposition de loi pour soutenir, vraiment, un modèle résilient d’élevage, qui fait la fierté de nos territoires de montagne. 



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