Ma déclaration concernant la procédure de ratification du CETA

A l’époque, nous manifestions à Bruxelles ou Strasbourg, nous, jeunes venus de toute l’Europe, avec des baleines dessinées sur nos pancartes. On devait être en 2014 ou 2015. Pourquoi des baleines ? Car nous disions  “CETAssez”. 

On en rigolait de nos jeux de mots, on se disait qu’on était si nombreux, que l’alliance des écologistes et des agriculteurs et agricultrices de tout le continent ferait entendre raison aux grands décideurs de ce monde. 

Voilà dix ans que nous demandons que cesse ce hold-up démocratique. Manifestations, questions écrites, résolutions, interpellations… On serait à ça de penser, au vu de votre mutisme, et de votre refus d’inscrire un débat parlementaire sur le sujet à l’agenda, mais vraiment à ça, de croire que votre gouvernement a peur du Parlement, monsieur le ministre ! 

Alors, pour commencer, et parce que la jeune militante écologiste que j’étais en 2014 n’aurait jamais imaginé que je sois là, devant vous, à vous raconter mes pancartes avec des baleines dessus qui disent ‘cetassez’, aujourd’hui je voudrais remercier le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine d’avoir inscrit cette proposition de résolution sur la procédure de ratification du CETA au sein de leur journée parlementaire. 

Elle nous permet de rappeler que depuis 2016, ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, impliquant près de 500 millions de personnes, est déjà appliqué à 90% “à titre provisoire”, alors même que dix pays de l’Union européenne, dont la France, ne l’ont pas ratifié.

Elle nous permet de rappeler, également, que, si nous étudions aujourd’hui cette proposition de résolution, c’est parce que votre gouvernement a tout bonnement refusé, contrairement à l’usage et à tout principe démocratique, de transmettre et déposer la proposition de loi communiste adoptée en mars au Sénat, sur le bureau de l’Assemblée nationale. Un tel mépris du Parlement sur un sujet aussi important est inacceptable. De quoi avez-vous peur, Monsieur le Ministre ? 

Cette résolution, elle nous permet de rappeler, Monsieur le Ministre, et vous toutes et tous, qu’en facilitant l’importation de produits canadiens par la suppression des droits de douane pour plus de 98% des produits, le CETA engendre déjà, et engendrera, d’importantes conséquences sociales, environnementales, climatiques et sanitaires. La remise en cause de nombreuses normes environnementales et sanitaires dans l’accord met en danger le principe de précaution, inscrit dans la charte de l’environnement, pourtant texte à valeur constitutionnelle, mais au vu de la manière dont vous elle est malmenée, pas de surprise ici. 

L’environnement, parlons-en : le CETA permet une hausse des importations d’engrais, mais aussi une augmentation de 50% des importations de pétrole issus de schistes bitumineux, cet hydrocarbure non conventionnel extrait de sables visqueux, qui est 3 à 4 fois plus polluant que le pétrole classique et dont l’extraction laisse derrière elle des paysages de forêts rasées, de lacs et de cours d’eau pollués au Canada. Enfin, j’ai dit, parlons-en, mais ce n’est qu’une formule : chers collègues, l’accord du CETA n’est pas assujetti aux engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris . Il ne propose aucun dispositif contraignant qui permettrait de limiter la hausse des températures mondiales à 1,5°C. 

Dans un monde parallèle, celui des promesses d’Emmanuel Macron, en 2020, devant la Convention citoyenne pour le climat, celui-ci se disait prêt à abandonner le CETA si celui-ci ne respectait pas l’accord de Paris. 

Dans ce monde parallèle, toujours, vous vous êtes dits les premiers alliés des agriculteurs. Je suis au regret de vous annoncer donc, que dans le monde réel, les promesses doivent être tenues, sinon à fâcher un peu de monde. Et, que, comme tous les traités de libre-échange, Mercosur, Nouvelle Zélande, Chili… l’accord avec le CETA est aussi catastrophique pour les agriculteurs et agricultrices des deux côtés de l’Atlantique. Il les expose toujours plus à la pression d’une concurrence déloyale, résultat d’une libéralisation outrancière de notre système agricole et alimentaire. Depuis des années, les Écologistes s’opposent aux accords de libre-échange parce qu’ils permettent, systématiquement, l’importation en France de produits qui ne respectent pas nos normes, faute de clauses miroirs. Une fois n’est pas coutume, le CETA plonge dans les mêmes dérives. 

On parle de maïs ou de soja génétiquement modifié. 

On parle de 67 950 tonnes équivalent carcasse de bovins qui peuvent être nourris aux farines animales, pratique interdite en France, une menace sur l’élevage bovin viande français.

On parle d’une lentille sur cinq provenant du Canada, où il est possible d’appliquer du glyphosate juste avant la récolte ; ce qui est interdit en France et met en péril l’émergence d’une réelle filière légumineuses chez nous.

On parle de quantités de résidus de pesticides bien supérieures au Canada que les seuils autorisés sur notre continent, abaissant les standards de production, mettant en danger la viabilité des petites exploitations agricoles. 

Là bas, c’est pareil : Les exportations massives de fromage ont fait subir aux producteurs laitiers canadiens 670 millions de dollars canadiens de pertes de part de marché et de rendements diminués en raison du CETA. 

Dans le monde parallèle de vos promesses, Monsieur le Ministre, vous venez d’adopter un texte consacrant la souveraineté alimentaire. Dans la réalité, la seule chose que vous consacrez, jour après jour et décision après décision, c’est la sacro-sainte compétitivité sur les marchés internationaux, tant pis si 1,2,3, 100 000 agriculteurs tombent du camion en 10 ans. 

Pour les Ecologistes, au contraire, la souveraineté alimentaire, c’est celle qui laisse la possibilité aux peuples de déterminer les politiques agricoles pour et par eux-mêmes, sans qu’elles puissent porter atteinte aux populations d’autres pays. 

Poursuivre un tel accord tête baissée, c’est s’enfermer dans l’idéologie néolibérale, se mettre au service de l’agroindustrie et des multinationales qui en tireront tous les profits, au détriment des populations locales, et de la grande majorité de nos agriculteurs

Comme les écologistes le répètent depuis des années, il est temps de passer du libre échange au juste échange et de protéger nos acquis sociaux et écologiques. 

Cette résolution, elle est la bienvenue, chers collègues. Parce qu’elle permet de rappeler bien des vérités, loin du monde dans lequel on va aligner des mots les uns derrière les autres et considérer l’objectif atteint, mais dans le monde bien réel, dans lequel nous nous plaisons à légiférer, et où nos décisions ont des impacts sur les vraies vies des gens. 

Peut-être est-ce de cela dont vous avez peur monsieur le Ministre. 

Le groupe écologiste votera bien évidemment pour cette résolution, et appelle, solennellement, le gouvernement à inscrire dans les plus brefs délais le projet de loi de ratification du CETA à l’Assemblée nationale. Parce que je crois que Ceta, c’est assez.

Marie Pochon

ABONNEZ-VOUSAU JOURNAL DE BORD !

ABONNEZ-VOUSAU JOURNAL DE BORD !

En vous inscrivant, vous recevrez chaque semaine le détail des actions et réalisations de Marie Pochon.

Merci, vous êtes bien inscrit.e !