Ma déclaration en examen de la PPL : création du cadre d’emploi des personnels de santé des SDIS

Dans la Drôme d’où je viens, ce sont 2825 pompiers volontaires et 330 pompiers professionnels qui œuvrent au quotidien pour protéger les habitantes et habitants. Alors que les déserts médicaux gagnent du terrain dans nos territoires ruraux, alors, aussi, que nous voyons de nos propres yeux désormais les impacts des changements climatiques, leur mission est essentielle. Car ils sont les premiers travailleurs sociaux : de ceux qu’on appelle quand on a un problème; de ceux qu’on appelle, quand tout s’est effondré. Et toujours, ils répondent présent. Lors d’urgences vitales, lors d’accidents : toujours, ils répondent présent. Lorsque les flammes embrasent nos forêts, lorsque nos voisins ardéchois souffrent d’inondations monstres, ils répondent présent. Lorsque nos compatriotes mahorais font face à une des plus grandes catastrophes climatiques que la France ait connu, toujours, ils répondent présent.

Cependant, les SDIS sont aujourd’hui confrontés à une double difficulté : plus le nombre des sapeurs‑pompiers croît – et cela reste un effort de tous les jours pour nos petites communes, les élus locaux, les volontaires et leurs proches dans les casernes que d’en recruter, à l’heure de l’individualisme roi – , plus il semble difficile de recruter des médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues et docteurs vétérinaires pour assurer les suivis et l’accompagnement des pompiers en leur sein. D’autres part, le nombre de médecins présents dans les services d’incendie et de secours n’a cessé de diminuer alors même que l’âge moyen des sapeurs‑pompiers, lui, n’a cessé d’augmenter.

Cette proposition de loi que vous nous présentez aujourd’hui vient donc répondre à une anomalie : pourquoi les médecins sapeurs-pompiers exercent-ils simultanément des fonctions de médecine d’aptitude, de prévention et de soins sans cadre juridique clair alors même que ces pratiques ne sont pas officiellement autorisées par les textes en vigueur et que la certification des professionnels de santé ne prend pas en compte cette spécificité ? Le suivi médical est réalisé par les médecins et infirmiers des Services d’Incendies et de Secours, conformément à un arrêté de 2000, qui définit les conditions d’aptitude et les examens médicaux périodiques.

A cette question, et à cette question seule, le texte propose de créer un cadre d’emploi spécifique avec une formation adaptée et un travail en réseau.

L’attractivité des postes de médecins sapeurs-pompiers repose en grande partie sur le travail en équipe et une rémunération compétitive. Actuellement, plus de 60 % des médecins sapeurs-pompiers professionnels considèrent que leur rémunération est un frein au recrutement.

Ce texte vient donc effectivement offrir aux professionnels de santé des services départementaux d’incendie et de secours un statut juridique pour sécuriser leur pratique, diversifier leurs missions et revaloriser leurs salaires, en s’inspirant du modèle des médecins militaires. Les dispositions les plus problématiques ont par ailleurs été écartées lors des débats en commission, avec la suppression notamment de l’absence d’obligation d’inscription à un ordre professionnel pour ces personnels de santé, ce dont nous nous félicitons.

Ce texte est une réponse donc, mais qui s’avère bien imparfaite , aux défis auxquels sont confrontés nos sapeurs-pompiers, en particulier concernant la protection de leur santé.

Si l’on voulait vraiment répondre à la question, une autre réponse, serait celle, pour le Gouvernement, de revoir les tableaux des maladies professionnelles afin de reconnaître le lien entre l’activité de sapeur-pompier et le développement de certains cancers résultant de l’exposition aux fumées d’incendie tels que le mésothéliome ou le cancer de la vessie, pour lesquels il existe des preuves suffisantes d’après le Centre international de recherche sur le cancer, ou encore pour le cancer de la prostate, du côlon ou des testicules, pour lesquels il existe moins de preuves mais des indices forts d’un lien de causalité. Aujourd’hui, seules deux maladies sont reconnues comme maladies imputables à la profession en France. Nous insistons ici pour l’élargissement de cette liste pour prendre en compte la réalité.

Nous employons d’ailleurs à dessein le terme d’activité et non de profession car il nous faut répondre à la spécificité des sapeurs-pompiers, qui à 80% agissent sous le statut de volontaire. Or, professionnels ou volontaires, civils ou militaires, l’ensemble des soldats du feu sont exposés aux mêmes fumées et donc aux mêmes risques et doivent par conséquent bénéficier de la même protection pour leur engagement au service des  nos concitoyens.

Par ailleurs, les sapeurs-pompiers sont également surexposés aux PFAS, ces polluants éternels, comme l’ont démontré les résultats alarmants des tests réalisés par les Écologistes en mai 2024 sur des pompiers de toute la France. Si l’on voulait vraiment répondre à la question, une autre réponse, serait de procéder, enfin, comme nous le demandons depuis longtemps, au remplacement complet des mousses anti-incendie ou les tenues de feu par des alternatives sans PFAS.

Alors que les sapeurs-pompiers sont exposés à une multitude de produits toxiques dans l’exercice de leurs missions, l’Etat doit prendre ses responsabilités pour protéger celles et ceux qui protègent les citoyens. Si l’on voulait vraiment répondre à la question, une autre réponse, serait de cesser de faire payer vos cadeaux fiscaux et votre croyance insoutenable en l’ultra-libéralisme, par les départements, les communes et les SDIS, et d’aider les services d’incendie et de secours à investir dans l’acquisition de matériel de protection et dans l’aménagement de locaux pour permettre des processus de décontamination des pompiers et du matériel.

Si l’on voulait vraiment répondre à la question, une autre réponse, serait, enfin, de renforcer la prise en charge des risques psycho-sociaux attachés à l’activité de sapeur-pompier, qui expose à des expériences qui peuvent être extrêmes et éprouvantes, et qui ne font augmenter, au rythme de l’augmentation des aggressions dont ils sont victimes, + 380% en 15 ans. Il nous faut ainsi plus de psychologues dans les services d’incendie et de secours et nous devons réfléchir également à des mécanismes de prise en charge des séances de psychologue en libéral, en pensant à un dispositif national de remboursement évitant les disparités territoriales entre SDIS dans la mise en place d’unités.

Oui, les réponses sont là, nous les travaillons, nous rédigeons des rapports, des amendements, nous nous appuyons sur des expertises, sur des expériences de nos sapeurs pompiers, et pourtant, nous continuons dans cette assemblée à faire semblant de ne pas en connaître les questions.

Je voudrais ici à cette tribune saluer particulièrement l’engagement des jeunes sapeurs pompiers. Nos casernes, en plus de porter secours au quotidien, sont des écoles. Des écoles de l’engagement. Des écoles de l’attention à l’autre. Des écoles du travail d’équipe, du vivre ensemble. Des écoles de la République.

Les écologistes voteront donc ce texte mais sans illusion sur sa portée réelle.

Nous appelons le Gouvernement à en être à la hauteur, et à se poser les bonnes questions sur la santé de nos pompiers, garantir la sécurité de leurs missions, et leur octroyer le soutien nécessaire pour que toujours, ils puissent répondre présent.

Marie Pochon

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