Ma déclaration lors du débat sur la position de la France concernant les accords de libre échange

« Nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique, avec le pied toujours sur l’accélérateur ». Prononcés il y a un peu plus d’un an, les propos du Secrétaire Général de l’ONU résonnent encore. Trop peu, malheureusement : parce qu’alors que l’eau manque, que les pollinisateurs disparaissent, que le vivant tout autour de nous s’effondre, à l’heure où TOUT nous dicte d’aller vers la souveraineté, les circuits courts, l’autonomie, la résilience, et la sobriété

A cette heure là, précise, celle des choix les plus grands que notre humanité soit capable d’accomplir. 

Celui de vivre, ou de périr. 

A cette heure-là, des dirigeants – vos alliés – appellent à une finalisation d’un accord de libre échange visant à échanger toujours plus de biens sur des milliers de kilomètres entre l’Union Européenne et les pays d’Amérique du Sud. 

On regarde l’horloge, on se dit qu’on s’est trompés, mais non : il y a quelques semaines, une majorité au Parlement Européen ratifiait un nouvel accord de libre échange entre l’Union Européenne et la Nouvelle Zélande ! 

Chers collègues, entendons-nous bien, le débat n’est pas “voulons-nous faire du commerce international”. 70% des importations européennes de viande bovine proviennent déjà des pays du Mercosur. L’Europe est également le troisième partenaire commercial de la Nouvelle Zélande. 

L’enjeu est donc tout autre. La question qui nous est posée – enfin, qui ne le sera pas puisque les parlements nationaux n’ont pas leur mot à dire – est celle de l’augmentation de ces échanges, au détriment de nos conditions de vie sur terre, de nos agriculteurs, au détriment de ce à quoi nous appelle cette horloge qui tourne. 

Tous les rapports sont édifiants : l’augmentation des importations de boeuf est un des principaux moteurs de la déforestation au Brésil. La massification du transports de marchandises avec la Nouvelle Zélande engendrera de fait une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. 

Un mois après la COP28, sachez que tous les “accords historiques” du monde ne pourront cacher que les accords de libre échange sont tout simplement insoutenables. 

Ils ne le sont pas non plus pour nos agriculteurs et nos agricultrices, comme le disent, à l’unisson, c’est assez rare pour le souligner, tous les syndicats agricoles

1 ménage agricole sur 5 en France se situe sous le seuil de pauvreté, moitié plus que pour la population générale. Parmi eux, les éleveurs ont le revenu moyen le plus bas, tandis que la décapitalisation du cheptel se poursuit. La  faute à l’endettement massif dans lequel le modèle conventionnel du “produire toujours plus, avec moins de gens, et des fermes toujours plus grandes et mécanisées” entraîne tant d’agriculteurs, la faute à la concurrence déloyale, la faute aux profits monstres réalisés par la grande distribution, la faute, aussi, j’y viens, à une mondialisation libérale effrénée, qui fait passer le marché avant les humains et le vivant. 

L’accord avec la Nouvelle-Zélande soumettra les éleveurs ovins européens à la concurrence de 38 000 tonnes de viande supplémentaires, soit quasiment 50 % de la production des éleveurs français spécialisés, vendue à des prix imbattables: 10 euros le kilo l’agneau néo-zélandais contre 23 euros le kilo pour le français. 

Et là bas, c’est pire. Pour répondre à la massification des échanges, la spécialisation et l’intensification des pratiques agricoles sont inévitables, et avec elles l’utilisation accrue de produits phytosanitaires, l’effondrement de la biodiversité, la baisse de la fertilité et l’érosion des sols. 30 % des pesticides utilisés au Brésil ne sont pas approuvés dans l’union, ces mêmes pesticides toxiques que nous interdisons ici, mais dont les firmes de l’agro-industrie continuent de tirer profit à l’export. 

Ces accords ne sont pas soutenables. 

Vous l’aurez compris, nous Écologistes souhaitons que la France continue de s’opposer à ces accords destructeurs, négociés dans l’opacité la plus totale. Le mandat de négociation pour l’accord avec le Mercosur donné en 1999, ainsi que les négociations qui ont suivi, ont été tenus secrets jusqu’en 2019. Chers collègues : A ce jour, nous n’avons accès à aucun texte alors que l’accord pourrait être finalisé le mois prochain. 

L’extrême droite se repaît, partout sur le continent, de ces décisions lointaines qui ne ressemblent en rien aux ambitions écologiques affichées en 4 par 3 dans vos opérations de comm. La défiance des milieux agricoles, et de nos concitoyens grandit de cette dérégulation à outrance, quand l’inflation des prix de l’alimentaire côtoie la baisse des prix des produits agricoles pour les agriculteurs. 

A l’approche des élections européennes, quel message voulons nous envoyer ? Que l’Europe est un outil de destruction de notre agriculture ? Que l’Europe est un outil de concurrence entre les peuples et les économies ?

Nous écologistes, l’affirmons : 18 ans après le référendum piétiné de 2005, nous voulons plus d’Europe. Plus d’une Europe qui ne soit plus un vaste marché libéral qui facilite les échanges de biens mais qui construit en catimini tant de barrières aux humains, plus d’une Europe écologiste, plus d’une Europe sociale, qui protège les travailleurs et les plus vulnérables, plus d’une Europe de l’accueil, qui garantit fièrement l’humanité qui fonde les principes mêmes de notre Union… nous Écologistes, nous voulons plus d’une Europe politique. Et cette Europe politique, elle ne peut être que résolument démocratique. 

Chers collègues, en 1996, à l’occasion de la déclaration de Rome, la souveraineté alimentaire était définie pour la première fois comme le droit de chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité culturelle et agricole. 

Il est temps que les règles du commerce international bénéficient aux gens et non plus aux grandes firmes multinationales. Nous, écologistes, serons toujours là pour vous le rappeler. 

Marie Pochon

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