En France, 5 667 communes exercent encore la compétence de gestion de l’eau sur leur périmètre. Dans ma circonscription de 240 communes aux confins du Vercors et des Baronnies Provençales, comme dans les vôtres, chers collègues, la grande majorité de ces petites communes, depuis des années, demandent à pouvoir garder la compétence Eau et assainissement, si elles le souhaitent.
C’est devenu pour certains élus locaux une véritable course contre la montre, depuis l’adoption de la loi NOTRE en 2015 et une révision en 2018, permettant le prolongement du délai : depuis deux ans, par chez moi, elles se mobilisent en amont du transfert obligatoire aux intercommunalités dont elles sont membres, fixé au 1er janvier 2026. Il est donc peu dire que ce texte était attendu : et je remercie ainsi Monsieur le Rapporteur pour son initiative d’inscrire ce texte nous venant du Sénat à l’ordre du jour de cette Assemblée.
Nous Écologistes, avons depuis la première étude de ce texte ici même dans cet hémicycle, un certain mois de juin 2023, initié, là encore, par le groupe LIOT, soutenu sa mise à l’ordre du jour et son objectif, et regrettons, ainsi, en premier lieu, que le Gouvernement ait mis tant de temps à entendre la voix de ces élus ruraux qui ne demandaient qu’à ce qu’on leur fasse confiance, qu’à pouvoir anticiper.
Par la voix de leurs élus, ces communes ont exprimé leur volonté d’avoir le choix, à l’heure où les transferts de compétences ne s’accompagnent souvent pas de compensation à la hauteur, où les sources de financements et d’autonomie communales ont été recentralisés, à l’heure où la verticalité toute jupitérienne a abîmé tant de corps intermédiaires.
Elles demandent de la cohérence, face à un transfert obligatoire de la compétence eau aux communautés de communes quand bien même tant de bassins versants n’y correspondent pas.
Elles demandent de la maîtrise et de la constance face à l’un des plus grands défis auquel nos générations et celles à venir feront face : celle des inégalités d’accès à l’eau, de sa qualité, de sa quantité, dans un contexte de bouleversements climatiques jamais connus et de niveaux de pollution des eaux immenses.
Alors, cette proposition de loi, permettant aux communes de choisir le transfert ou le maintien de la compétence eau et assainissement, permet de répondre au sujet de la confiance que nous leur portons. La confiance entre nos assemblées qui votent les lois de la République et les élu-es locaux, celles et ceux qui les appliquent dans ces petites Républiques dans la Grande.
L’adoption de cette disposition serait en effet une preuve de la confiance de notre assemblée en ces élus locaux, souvent bénévoles, qui assurent la gestion d’un service public pour l’intérêt général de leurs administrés. Nos discussions en commission l’ont par ailleurs démontré, certains de ces élus tiennent à exercer ces compétences. Il s’agit donc de leur donner la possibilité de conserver cette gestion sans imposer de transfert.
Nous, écologistes, sommes profondément attachés au fédéralisme et à son principe de subsidiarité, qui place l’action publique au plus près de celles et ceux qu’elle concerne, en vertu du principe, si abîmé pourtant, de la libre administration des communes : un enjeu démocratique. Les élus locaux doivent pouvoir agir en toute autonomie et en responsabilité. Cette disposition sur laquelle nous sommes amenés à voter aujourd’hui, c’est celle du maintien de compétences, de manière choisie, aux plus petits maillons de notre “mille-feuille” territorial, ceux qui se situent au plus proche des réalités territoriales et des citoyens, face à des craintes immenses sur ces compétences qui s’en vont et la voracité d’acteurs privés sur l’eau bien commun.
Nous, écologistes, sommes également profondément convaincus qu’il nous faudra demain, mutualiser, et œuvrer de manière concertée et collective pour faire face aux défis de ce siècle. Mais il faudra le faire, chers collègues, de manière intelligente, selon les bassins versants : je pense par exemple à la communauté de communes des Baronnies en Drôme Provençale, chez moi, où pour les 67 communes concernées on compte 5 vallées et 3 bassins versants. Bâtir la solidarité, c’est un enjeu fondamental : et c’est pourquoi nous soutiendrons fortement l’article 5 de cette proposition qui replace le sujet de la solidarité au coeur de la gestion de l’eau.
Démocratie, solidarité : ces dynamiques, elles existent déjà dans nos territoires. Nous en avons des exemples de coopération entre élus locaux, au sein des syndicats de gestion d’eau et rivières, où les élus locaux s’organisent déjà, sans attendre nos débats. La mutualisation des moyens est déjà exercée, par exemple, dans la communauté de communes du Diois, permettant des espaces de concertation et de l’aide à la décision sur la base du volontariat, tout en préservant la liberté de chaque territoire.
En ce sens, nous défendrons des amendements de bon sens, garantissant un état des lieux réguliers de la situation de la ressource tout en évaluant les possibilités de mutualisations disponibles pour les communes d’un même territoire ; qu’elles appartiennent à un même bassin versant ou à une même intercommunalité.
Alors, il y aurait tant d’autres sujets à traiter. Je pourrais parler du sous-financement de la politique publique de l’eau, des réseaux vieillissants, usagés, des budgets des agences de l’eau qui s’affaissent face aux besoins grandissants.
Je pourrais vous parler de ce quart du territoire métropolitain aujourd’hui concerné par des systèmes aquifères caractérisés par une insuffisance chronique de la quantité d’eau mobilisable au regard des besoins à satisfaire, des problématiques de pollution des eaux massives dans notre pays.
Nous parlerons, pour sûr, de l’article 6 de ce texte, ajouté lors des travaux en commission, et qui inquiète les services publics d’assainissement non-collectifs, du fait de la disparition des contrôles sur les installations d’assainissement non-collectives les plus anciennes. L’objectif d’assouplissement du transfert de compétences ne doit pas être le prétexte à la simplification à outrance qui ne mènera à terme qu’à l’augmentation des incidents sur ces types d’installations et à la dégradation de notre eau, et de notre environnement.
Nous soutiendrons ce texte et j’espère que nous saurons être à la hauteur de celles et ceux qui, dans leur commune, agissent déjà en responsabilité. Je vous remercie.
Marie Pochon