Mon discours pour les 80 ans de la libération de la ville de Die

Je ne l’apprendrai à personne ici. Que l’on touche à la Liberté et c’est tout le Diois qui se met en colère.

Le 22 juillet 1944, les Allemands pénétraient dans Die. S’ensuivirent 15 jours de terreur : des troupes ennemies qui circulent dans la ville et tirent à tout moment, même la nuit. Le couvre-feu est instauré, on ne peut sortir dans la cité qu’avec un laissez-passer.  

Le dimanche 23 juillet à 10 h, Camille Buffardel, adjoint au maire, est fusillé sur la place Saint-Pierre et sa cave de Clairette est pillée. Le même jour, son frère Édouard est abattu à Aix-en-Diois. Le docteur Paul-Élie Kroll et son fils Maurice, juifs réfugiés à Die, sont abattus sur la placette, Pierre Chérissol, 22 ans, près de la Barrière. Au bord de la rivière Drôme, le sous-lieutenant Victor Vermorel (« Vallin »), blessé à Vassieux, qui avait tenté de fuir, est assassiné, le menuisier René Brugier, le bûcheron Pierre Basset, et Hubert Laheurte, 20 ans également. Le corps de Léon Livache, exécuté alors qu’il essayait de rentrer chez lui à Romeyer, sera écrasé par plusieurs véhicules allemands. André Plumel, sculpteur sur bois, est abattu au pont de la Griotte à Die.

Miliciens vichystes, militaires nazis : main dans la main, les jours qui suivent, ils bombardent, pillent, tuent. 

Le 21 août, l’avancée des troupes américaines permettra la libération de la ville de Die. Die aura résisté à cinq années de guerre, de restrictions, de conflits, de pénurie et de violence. Ce 21 août 1944, l’abbé Bossan, se souvient que “dès 7 heures du matin les véhicules Américains défilent, venant des Alpes et se dirigeant vers Crest. Il y a des véhicules de toutes sortes : Jeeps, commands-cars, camions, automitrailleuses, tanks, chasseurs de tanks, tracteurs grues sur chenilles, etc… Les Diois sont d’abord un peu figés, encore trop ahuris pour réaliser ce qui se passe. Puis, peu à peu l’enthousiasme grandit ; tout Die se trouve sur le passage des divisions Américaines, dans la Grande Rue, à longueur de journée. Partout le travail a cessé ; l’enthousiasme devient du délire” 

Alors, en ce jour où nous célébrons la libération de Die, je voulais vous dire, et nous rappeler, deux choses. 

Je parlais à l’instant de militaires nazis, et de miliciens de l’État français, et c’est important. 

Ici, dans cet été d’occupation et d’indicible horreur, on découvrit le dentiste de la Motte Chalancon, jusqu’alors impliqué dans la résistance, dans des habits d’officier allemand. Un traitre. 

Le lundi 24 juillet, à 14 h, alors que toute la population de Die de plus de 14 ans avait été convoquée sur la place de l’évéché, le chef milicien « François » fera un discours : « Je suis père de quatre enfants, mon père est mort à la guerre de 1914-18, j’ai fait la guerre de 1939-40, donc je suis un bon Français… je ne suis pas pour les Allemands, je suis avec les Allemands, contre les Juifs, les communistes, les terroristes ». Invitant à emboîter le pas pour l’ordre allemand, il jette l’anathème sur Die, ville rebelle, ville coupable.

N’oublions pas. N’oublions ni la glorieuse Résistance ni l’infâme trahison. N’oublions ni le noble combat pour la liberté et contre le nazisme ni la collaboration et la barbarie.

Pourquoi les parlementaires ont voté les pleins pouvoirs à Philippe Pétain ? Pourquoi des français comme les autres en sont-ils venus à trahir leurs compatriotes, les livrer à l’ennemi ? 

Je sais la vertigineuse horreur de ces questions. Et c’est en cela que je voulais rajouter une deuxième chose, car je crois qu’en celle-ci se niche milles espoirs, et mille réponses, aux temps incertains que nous vivons, à ce sentiment que, peut être, nous pourrions un jour, pas si lointain, oublier.

Cette deuxième chose, c’est qu’ici dans le Diois, les troupes nazies ont rencontré la résistance. 

Elle n’avait pas de gros blindés, ou d’auto-mitrailleuses. Cette résistance, c’était celle de la camaraderie et de la fraternité, c’était celle des valeurs républicaines attachées au corps et l’espoir d’une vie et d’une France libre harnachées au cœur. Cette résistance, c’était la résistance drômoise, la résistance française. Et j’ajouterais, dans ce contexte un peu particulier, la résistance du monde entier.

La libération. Enthousiaste, délirante. Je crois qu’encore aujourd’hui, nous ne pouvons que remercier et honorer les troupes américaines héroïques qui libérèrent notre pays, mais aussi nos anciens qui ont eu le courage de combattre la barbarie nazie et la capitulation de la collaboration. Ils ne le faisaient pas pour les honneurs, ils manquaient tant de moyens, ils prenaient tant de risques : ils l’ont fait parce qu’ils croyaient en la liberté, en la République, en la fraternité et ne pouvaient dormir tranquilles alors que la barbarie s’installait dans notre si beau pays.

Partout dans la Drôme et en France les valeurs de la Résistance vivent, son esprit reste ancré dans les têtes et les âmes de nos concitoyennes et concitoyens comme ils le sont avec ces centaines de stèles, de monuments, de musées, qui habillent nos paysages. Cela pourrait être triste. C’est au contraire un immense honneur de porter, gravés dans nos paysages drômois, les marques du courage de nos anciens, comme autant d’appels pour nous, qui en sommes redevables au travers des droits et des libertés qu’ils nous ont légués, à en être à la hauteur. 

Le 8 mai 1945, le Général Charles de Gaulle l’affirmait: “Dans la joie et la fierté nationale, le peuple français adresse son fraternel salut à ses vaillants alliés qui, comme lui, pour la même cause que lui, ont durement, longuement, prodigué leurs peines, à leurs héroïques armées et aux chefs qui les commandent, à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui, dans le monde, ont lutté, pâti, travaillé, pour que l’emportent, à la fin des fins, la justice et la liberté.

Honneur ! Honneur à notre peuple, que des épreuves terribles n’ont pu réduire, ni fléchir ! Honneur aux Nations Unies, qui ont mêlé leur sang à notre sang, leurs peines à nos peines, leur espérance à notre espérance et qui, aujourd’hui, triomphent avec nous. Ah vive la france”

Je le disais, que l’on touche à la Liberté et c’est tout le Diois qui se met en colère. Vous êtes si nombreux aujourd’hui, je crois que cela se vérifie. Puisse cette saine colère continuer à vivre, à Die et au delà, pour la paix, pour la liberté, l’égalité, la fraternité, pour l’amitié entre les peuples, 

Vive le Diois, 

Vive la Résistance, 

Vive la libération, 

Vive la Drôme 

Et vive la République 

Marie Pochon

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