Mon discours sur la République | Banquet Républicain du 12 juillet à Saillans

Chères drômoises, chers drômois, 

 

Je suis très émue de vous voir toutes et tous réuni-es pour ce banquet Républicain, qui est le premier que j’organise, et qui coïncide non seulement avec l’anniversaire de ma réélection, il y a un an, mais aussi avec celle de mon élection, il y a trois ans – oui, je suis déjà cumularde dans tout ça ! -, et puis, surtout, avec la Fête Nationale, dans deux jours, celle du 14 juillet. Si c’est la première fois que moi et mon équipe – et je les en remercie, et je remercie l’ensemble des personnes qui ont aidé à son organisation – organisons un tel banquet, c’est que le moment le demande. 

 

Victor Hugo, le 17 juillet 1851, disait, devant l’Assemblée qu’on appelait alors législative : « La Révolution et la République sont indivisibles. L’une est la mère, l’autre est la fille. L’une est le mouvement humain qui se manifeste, l’autre est le mouvement humain qui se fixe. La République, c’est la Révolution fondée […] On ne sépare pas l’aube du soleil. »

Le soleil, c’est cette République universelle auquel il aspirait, auquel nous sommes nombreuses et nombreux à aspirer, tant notre destin commun, en tant que Nation, est déterminé par notre capacité à la faire vivre, partout où l’espoir faiblit, partout où l’on se sent abandonné, partout où l’on ne trouve plus de sens. Chaque crépuscule, chaque aube, porte en elle les graines d’une révolution, celle qui vit jaillir la République un 14 juillet 1789, de la révolte de ceux qu’on appelait les émeutiers de Paris; celle qui chaque jour est nécessaire, face à ceux qui attaquent et foulent du pied ses valeurs et principes fondamentaux, face à la haine, à la guerre, face au désespoir et face à la nature qui périt.

La République n’est pas donnée, jamais acquise. C’est une conquête. Elle a une histoire, dont nous, ses enfants, sommes désormais les garants

236 ans après la Révolution Française, nous succédons à cette place à ses fondateurs, en premier lieu Gambetta, ses courageux Républicains, ses fiers Résistants, ces françaises qui ont mené la lutte de l’égalité, celles et ceux qui ont combattu et péri pour elle – oui ; mais aussi ces millions de citoyens dont on ne dira jamais le nom, mais qui l’ont façonné, parce qu’élus locaux, instituteurs, parce que juges, journalistes ou médecins, parce que gendarmes, parce que sapeurs pompiers, parce que mères, et pères, ont transmis, après chaque aube, les valeurs de la République à la génération qui venait. 

 

« Liberté, liberté, chérie » entonne La Marseillaise. Être français, c’est d’abord aimer passionnément la liberté. La liberté individuelle et collective de choisir ses représentants, la liberté de conscience, la liberté d’expression, la liberté d’information. La liberté, pouvoir s’émanciper de ce que la société nous assigne, avoir accès aux soins, à l’instruction, pouvoir poursuivre le chemin que l’on s’est choisi, pouvoir poursuivre ses rêves. De pouvoir aimer, de pouvoir voyager, travailler, ou ne pas travailler, de pouvoir vivre digne.

Mais la liberté, ça n’est pas que ça : c’est la liberté d’aller et venir, c’est de croire, de se vêtir, comme bon nous semble, dans les limites de la liberté d’autrui, et du principe de laïcité. Des “étrangers, dehors” criés dans l’hémicycle par le Maire de Valence, aux “à bas le voile” du Ministre de l’Intérieur, en passant par les moyens que l’on se donne, en plein “mur de la dette” à construire des places de prison à Saint Pierre et Miquelon, en Guyane ou chez nos voisins, quand on ferme tant d’écoles : tout cela contrevient au principe fondamental de liberté. En fait, de liberté, ces gens-là en voudraient toujours plus pour eux, pour qui “l’état de droit n’est ni intangible, ni sacré”, pour leurs copains qui profitent de l’argent public, pour les autres qui construisent le tout-marché qui détruit nos liens humains, notre souveraineté et la nature. 

La nature, j’y viens : car sa protection est la condition de toutes nos libertés. Alors que nous apprenions le 19 juin dernier que le seuil des 1,5 degrés de réchauffement climatique était désormais un horizon inatteignable, nous nous rendons compte ce que la manque d’écologie a de punitif, des droits et libertés qu’elle nous ôte : nous savons désormais que nos générations vivront sans nul doute moins bien que celles de nos parents, pour la première fois depuis l’ère industrielle. Il y a quelques jours, Dieulefit et Châtillon-en-Diois fermaient leurs écoles, Vinsobres atteignait les 41,9°C, les cours d’eau s’asséchaient, inquiètant déjà les pêcheurs de la Plaine de Valence, les arrêtés sécheresse ont commencé à germer, au coeur du mois de juin, laissant présager le pire pour les cultures et les animaux d’élevage. Là est l’enjeu, je crois, fondamental de notre République aujourd’hui : agir pour éviter le pire, et protéger toutes et tous, en garantissant non pas des débouchés, non pas la croissance, non pas la productivité, mais tout simplement l’avenir. 

Vous l’aurez compris en écoutant les infos, ce n’est pourtant pas l’orientation prise des politiques publiques : moratoire sur les énergies renouvelables, nivellement par le bas en agriculture, qui menacera notre agriculture familiale et notre accès à une alimentation saine, mépris de l’état de droit et de la séparation des pouvoirs pour autoriser des autoroutes, fin des objectifs ZAN, des ZFE, des aides à l’agriculture biologique, coupes budgétaires sur la protection de l’environnement, sur le Fonds Vert, disparition du plan vélo, suspension des dispositifs Ma Prime Renov’, menaces répétées contre les agences d’état ou la police de l’environnement, fin, même, de l’objectif d’atteinte de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la loi : je vous résume en quelques mots ce que furent ces quelques mois, et si ce fut un ardent combat que nous avons mené, à l’Assemblée et avec nombre d’entre vous, ici, en Drôme, et partout dans le pays, nous avons perdu des combats, que d’autres avaient mené et conquis avant nous; et chacune de ces défaites est, je crois, terrible pour l’habitabilité de notre Terre, qu’on ne sait garantir pour les enfants qui naissent aujourd’hui; mais terrible aussi pour toutes les personnes qui en subissent et en subiront les conséquences : d’abord, les plus précaires, les plus vulnérables d’entre nous.

J’y viens : Être Français, c’est reconnaître en chaque femme, en chaque homme une même dignité. C’est protéger les plus vulnérables face à l’indicible, ici comme à l’autre bout du monde : c’est établir comme principe la solidarité nationale, selon laquelle chacun contribue selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins; et c’est en être fiers. Suffrage universel, abolition des privilèges, de l’esclavage, de la peine de mort : l’égalité est un cap, encore inachevé. Il y a dans notre pays, des enfants de la République qui n’ont pas les mêmes droits que les autres. Il y a, dans notre pays, des citoyens qui peinent à comprendre la promesse Républicaine, celle de Jaurès, de Blum, de Mendès France, parce qu’elle ne s’applique pas partout, et pour tous, de la même manière. Être français, c’est ne jamais oublier ce cap de l’égalité, de tout faire, tout faire, pour qu’il devienne réalité: pour que nos petits villages soient revitalisés, que bureaux de poste, centres des impôts, structures d’accès aux droits, aux transports, à la culture, à la santé soient garantis. C’est tout faire pour défendre les services publics, le patrimoine de ceux qui n’en n’ont pas. 

Pourtant, nous français, observons la sécession en bande organisée de quelques ultra-riches, qui, non contents de refuser de contribuer à la solidarité nationale, à la hauteur de ce qu’ils pourraient, contribuent également au dévoiement du débat public, à la manipulation de l’information par l’opinion et les fake news, qu’ils financent allègrement au travers de leur main-mise sur tant de média. Pourtant, nous français, observons les manoeuvres budgétaires des Gouvernements qui se succèdent, des 1000 milliards de dette creusés depuis 2017 par la droite sénatoriale et le bloc présidentiel, de la publication de notes confidentielles remettant en question la sincérité du budget 2024 que nous n’avions même pas pu débattre, des 28 49.3 en un peu plus de deux ans qui aura suivi. Nous observons ces amendements adoptés mais non retenus par le Gouvernement, les discussions suspendues, l’absence de poursuite de compromis, dans une forme de mépris qui ne dit son nom. Nous observons la décision prise de sciemment exonérer certains de l’effort collectif, ce même effort que nos concitoyens, nos entrepreneurs, nos classes rurales, nos gendarmes, nos agriculteurs, nos sapeurs-pompiers, nos élus locaux, nos associations, notre jeunesse devront porter. Et pire encore : tous ces efforts et ces coupes, ne tiennent toujours pas la bonne trajectoire de réduction de la dette : et mardi, notre Premier Ministre annoncera la suite des festivités, 40 milliards d’euros d’économies au bas mot, en ayant à la fois pris soin de clore la session parlementaire pour éviter la censure avant les congés; et annoncé qu’il ne ferait pas durer les débats budgétaires en octobre et qu’il les démarrera par un 49.3. 

Chers amis, il y a quelques temps j’avais l’honneur de rencontrer l’historien Johann Chapoutot, que je vous invite à lire, et qui travaille sur l’arrivée au pouvoir des Nazis en Allemagne. La dissolution puis la main-mise sur le pouvoir par une minorité de droite libérale ne respectant pas le résultat des urnes, la gouvernance par décrets, et par coups de force de l’exécutif, l’appui par de puissants industriels au parti national-socialiste : les similitudes sont si nombreuses entre la période de 1930-32 et la nôtre que cela en est glaçant. Alors, en cette année qui a démarré avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats Unis, et s’est poursuivie avec l’annonce que notre pays dégringolait dans le classement mondial de la corruption, nous devons avoir un deuxième cap si nous voulons protéger la République : la garantie de contre pouvoirs solides et de la protection de l’État de droit. 

Il y a quelques jours, j’échangeais avec une collègue du MoDem – le mouvement démocrate – auprès de laquelle je m’étonnais du vote de son groupe pour le texte “simplification” – dit texte tronçonneuse – qui remettait en cause tant de protections écologiques. Elle me répondit : “je ne suis pas d’accord avec l’entièreté du texte, mais j’ai voté pour car le Conseil Constitutionnel en supprimera les dispositions les plus dangereuses”. Cette députée compte donc sur le Conseil Constitutionnel pour choisir à la place des représentants du peuple, lui arrogeant un rôle éminemment politique qu’il ne devrait avoir. Et je vous donne en mille ce qu’il adviendra demain : le Conseil Constitutionnel censurera, au choix, la suppression des ZFE – qui n’avait en effet rien à faire dans ce texte –, le RN montera une campagne de dénigrement contre la politisation de ce Conseil, appuyé par des média d’opinion nombreux, et le Conseil Constitutionnel en sortira affaibli. Un drame en deux actes, qui se réitère si souvent désormais depuis le vote de la 32e loi immigration en trente ans, que nos institutions et contre-pouvoirs vacillent. Vote bloqué, article 40, détournement de fonds, surabondance de textes, procédure accélérée, 49-3, motion de rejet sur son propre texte, remises en cause des procédures d’inéligibilité : Être Républicain, alors, c‘est chérir le 3e pouvoir, et son indépendance sacrée, celui de la justice, qui garantit l’égalité entre toutes et tous devant la loi de la République, que l’on soit puissant ou vulnérable. 

Enfin, la République, c’est tendre la main. Etre plus que voisins, voisines, habitants d’une même commune, d’un même pays, ou de la même planète, c’est affirmer en actes notre fraternité. La République a une histoire, je le disais, et celle-ci est sociale. C’est celle de l’Etat Providence, de la redistribution, de la solidarité, de l’accueil inconditionnel. On n’en conçoit la grandeur qu’au sort qu’elle réserve aux plus démunis. On n’en conçoit la richesse qu’à l’engagement de millions d’hommes et de femmes, particulièrement là où l’Etat est le moins présent. On en perçoit la responsabilité immense qui nous incombe de sauvegarder cet idéal de fraternité, face à l’horreur qui frappe en Ukraine, face au génocide à Gaza, face aux millions de personnes qui aujourd’hui cherchent la paix, l’asile, la vie meilleure ailleurs, parfois à nos portes et à qui nous devons accueil et solidarité, parce que c’est cela être français. 

On en perçoit, plus proche de nous, les tentatives de destruction, des canots de sauvetage lacérés dans la manche, à la criminalisation de ceux qui accueillent à Briançon. La solidarité en actes, ça n’est pas non plus la fermetures de Centre de Santé Sexuels, les coupes de subventions aux associations d’éducation populaire, les hausses de tarif pour les transports scolaires, l’arrêt des expérimentations Territoire Zéro Chômeurs Longue Durée. 

La République, c’est chacun d’entre vous, c’est chacun d’entre nous. Elle ne se conçoit jamais de manière verticale, par la volonté d’un seul homme. Elle est un commun, que chacun d’entre nous écrit, chaque nouvelle journée, au sein de cette bien vaste communauté qu’est la Nation qu’elle protège.

 

Je termine. 

Je voulais dire un mot sur les aubes à venir. 

Le 14 juillet 1789, en rédigeant son journal intime, le Roi qui revenait d’une partie de chasse, écrira pour cette même date : « Rien » car il était revenu bredouille de la chasse. Ce n’est que le lendemain, à son réveil le 15 juillet à 8 heures, à Versailles, que le Duc de La Rochefoucault annonça au Roi la Prise de la Bastille. 

C’est une révolte ? » demanda Louis XVI.

Non sire, ce n’est pas une révolte, c’est une Révolution. » 

 

Chers concitoyens,

La guerre est aux portes de l’Europe. Les alertes sur notre État de droit pleuvent, la haine et la division s’immiscent douloureusement dans un front Républicain où désormais certains voudraient inclure les héritiers des Waffen SS. La violence et la polarisation s’instituent en dogmes, on ne sait ce qui est vrai du faux, tout s’accélère. Les contre pouvoirs s’affaiblissent. 

Notre République est bousculée à une vitesse folle. J’ai grandi, comme beaucoup d’entre vous, dans une forme d’insouciance liée aux merveilleux paysages drômois dans lesquels j’ai eu la chance de grandir : pourtant, toutes et tous, nous sommes en train de traverser la plus grande épreuve à laquelle l’humanité n’ait jamais été confrontée – l’effondrement du vivant et le cataclysme climatique. La France, la République du XXIe siècle, devra être une République Écologique, ou ne sera pas. 

La République, c’est le droit de contester l’ordre des choses, quand il est franchement dans le désordre. Là est la plus grande des libertés, là est aussi, le plus vertigineux de nos devoirs. Ici comme ailleurs, en France comme à l’échelle fédérale Européenne, et ailleurs dans le monde, être citoyen français, c’est être toujours, farouchement, du côté des combattants de la liberté. 

Nous savons ce que cela veut dire, ici sous les contreforts du Vercors, au pied des Maquis des Baronnies, de Combovin ou du Vercors, où les bombes, les incendies et les massacres succédèrent aux discours de haines, à l’exclusion des autres et au repli sur soi. Ici, nos aînés nous ont légué la liberté en héritage, et nous savons quel prix ils ont payé par leur bravoure. Ici, dans ce coin de France qui avait proclamé la République avant tous les autres, nous savons ce qu’est la résistance alors que tout semble perdu d’avance. Et nous en tirons chaque jour la force pour bâtir de meilleurs lendemains, même quand les vents contraires vont si nombreux : de la Maison accueillante de Dieulefit, aux lieux de répit pour les femmes victimes de violences à Crest, des festivals culturels joyeux aux services publics que vous vous battez pour maintenir, des transports à la demande que vous organisez dans le Vercors bénévolement à l’accès aux soins que vous garantissez dans les Baronnies. Liberté, égalité, fraternité : là voilà, la République ! 

Dans les sourires des écoliers, dans les parcours des immigrés, dans les gestes pénibles des agriculteurs. Au Secours Populaire de Die, dans le Centre d’Incendie et de Secours de Saint Paul, aux centres de soins du pays de Chabeuil, au planning familial à Nyons, au PSMS de Curnier. 

La République n’exclut pas, elle ne réduit pas les humains en son sein : justement, sa grandeur est d’ouvrir, d’émanciper, d’être partagée. 

Tout cela est entre nos mains. Faisons de chaque aube à venir une petite révolution; qu’elle soit l’aide apportée à notre voisin; la contestation d’une injustice; l’engagement pour le bien commun. Dans quelques mois, aurons lieu les élections municipales, qui nous permettront de donner tout leur sens aux principes Républicains qui nous sont si chers et que nous célébrons aujourd’hui, ceux qui seront aux frontons de nos mairies : engagez-vous. Je serai si heureuse de vous y accompagner. Que ce soit une grande action ou une plus petite, dans chacune de nos petites communes, chacune de ces aubes renforce et grandit notre édifice commun, la République.

 

Que vive Saillans, que vive la Drôme et que Vive la République !

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