Ma déclaration lors de l’examen de la loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique

En 1962 déjà, Rachel Carson alertait sur le Printemps Silencieux auquel nous nous habituons malgré nous. 

Et pour preuve : La biodiversité s’effondre, les oiseaux disparaissent, les abeilles meurent empoisonnées, de faim, de soif, ou avalées par des espèces exotiques envahissants telles que le frelon à pattes jaunes dit frelon asiatique. C’est cet hyménoptère qui nous réunit  aujourd’hui pour étudier une proposition de loi, associée à un plan national ayant pour ambition de lutter contre sa prolifération.

Le frelon asiatique à pattes jaunes est un danger qu’il convient de combattre sur nos territoires, en ville comme dans nos campagnes. Se nourrissant d’insectes pollinisateurs, générant un stress important sur les colonies d’abeilles mellifères, il est aussi dangereux pour l’homme car ses piqûres peuvent s’avérer mortelles. Cet insecte perturbe donc la biosphère dans son ensemble et ses impacts sont considérables sur la santé humaine et l’apiculture.

Le piégeage des reines au printemps reste la mesure la plus efficace pour endiguer sa prolifération mais la mise en place de ces pièges doit s’amplifier pour être efficace. C’est ce à quoi s’emploient chaque année les collectivités locales qui mettent en place des pièges au printemps, soutiennent les particuliers et les apiculteurs qui doivent faire appel à des entreprises spécialisées pour se débarrasser des nids sur leur terrain. Les apiculteurs conçoivent des protections pour leurs ruchers, des pièges non-sélectifs avec le soutien des chercheurs. 

Mais les frelons ne connaissent pas les limites de nos administrations. Sans une coordination à l’échelle nationale et départementale, ces actions sont vaines. 

Cela fait plus de 20 ans que cette espèce exotique envahissante s’est installée dans notre pays. 20 ans d’inaction de l’Etat et de volontarisme des élus locaux et des apiculteurs. 

Aujourd’hui, il est trop tard pour éradiquer ce frelon. Les scientifiques s’accordent à dire qu’il faudrait détruire 95% des nids avant d’espérer voir sa population diminuer de moitié en 7 ans ; défi impossible. 

Pourtant, l’État avait le temps d’agir. Déjà en 2010, un premier rapport d’inspection alerte sur le manque d’un plan structuré et cohérent pour lutter contre le frelon à pattes jaunes. En 2016, la Commission européenne l’a classé « espèce exotique envahissante préoccupante », suite à quoi la France s’est contentée de transférer dans sa loi le règlement européen, sans mettre en place une véritable action publique coordonnée. Il n’y avait sans doute pas urgence. 

Aussi, 15 ans plus tard, je veux saluer la démarche du groupe MODEM d’avoir inscrit cette proposition de loi importante et dont l’écriture a été réalisée avec les organisations sanitaires, les représentants de la filière apicole et des scientifiques spécialistes du sujet.

Avec mon groupe Écologiste et social, nous nous joignons au souhait d’adopter ce texte et de mettre en œuvre ce plan national de façon urgente. Pour autant, ne précipitons pas l’adoption d’un texte sans y mettre des garde-fous. 

Je vous le dis chers collègues, gagner du temps aujourd’hui, après 15 ans d’attente, pour risquer de porter atteinte aux abeilles et aux pollinisateurs serait une faute majeure. L’enjeu de la lutte contre le frelon asiatique est un grand enjeu pour l’apiculture, bien sûr, mais également un enjeu de santé publique et de préservation de la biodiversité. Ce triptyque est important car il garantit que nous adressons une réponse systémique à un problème systémique.

Je présenterai donc des amendements de bon sens, comme celui déposé par mon collègue Guillaume Gontard, du groupe Ecologiste du Sénat, qui avait obtenu un avis favorable de la Commission, pour garantir que la destruction des nids ne soit pas réalisée avec des substances nocives.

Il serait paradoxal que cette proposition de loi qui veut agir en faveur de la biodiversité et des pollinisateurs contribue finalement à leur effondrement. Les produits qui contaminent les sols, les rivières, la chaîne alimentaire, et provoquent la mortalité des abeilles et des pollinisateurs doivent à tout prix être évités.

Le frelon asiatique est une menace pour les abeilles. Le dérèglement climatique et l’épandage de produits toxiques le sont tout autant. Au moment même où nous examinons cette proposition de loi, chers collègues, des parlementaires, ici sur nos bancs, souhaiteraient introduire des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles. 

« Est-il réellement possible de tendre pareils barrages de poison sur la Terre sans rendre notre planète impropre à toute vie ? » c’était la question que posait Rachel Carson en 1962. 

Entre-temps, la destruction des habitats naturels, des haies, l’éradication des fleurs sauvages, l’utilisation massive de pesticides, a vu l’effondrement inexorable des colonies d’insectes pollinisateurs, incluant les abeilles, et par là même une menace majeure à notre agriculture dans son ensemble. 

Alors, ce qui sauverait réellement les abeilles chers collègues, ce serait de rétablir le Plan Ecophyto dans sa forme vertueuse, et de le rendre plus ambitieux encore.
Ce qui sauverait réellement les abeilles, serait de sauver les haies, les habitats naturels des pollinisateurs, de protéger les espèces sauvages, d’assurer la rotation et la diversification des cultures, de renforcer les moyens de l’ANSES.

Ce qui sauverait réellement les abeilles, ce serait d’investir massivement dans l’agriculture biologique, l’élevage extensif, financer la transition, plutôt que de mettre des millions d’euros dans le développement de nouvelles molécules. Ce qui sauverait réellement les abeilles, ce serait de cesser de remettre toujours l’action climatique à plus tard.

Chers collègues, monsieur le rapporteur, je sais l’urgence d’agir et vous nous aurez toujours à vos côtés pour accélérer le temps politique pour que cette loi soit effective au plus vite. 

Mais 15 ans plus tard n’adoptons pas cette loi sans ces garde-fous essentiels sur le type de produits utilisés pour détruire les nids de frelons. Sinon, chers collègues, on sera content d’avoir éradiqué le frelon asiatique, mais on aura aussi décimé les abeilles et alors on aura tout perdu.

Marie Pochon

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