MA RÉACTION SUITE AU DISCOURS DE POLITIQUE GÉNÉRAL DE FRANCOIS BAYROU

Monsieur le Premier Ministre,

Ce soir, peu après 20h, vous m’avez saluée en me serrant la main et en me souhaitant une bonne année.

Nous venions de partager plusieurs heures dans l’hémicycle d’une Assemblée Nationale en tenue de rentrée, bondée de députés, qui depuis 3 semaines et l’annonce de votre gouvernement – déroutant – attendaient votre discours de politique générale.

Dans cet hémicycle, il n’y avait pas que nous, il y avait des dizaines de millions de français, qui depuis juin dernier, ne comprennent plus grand chose à ce qui se trame en haut lieu, et aimeraient sans doute bien que chacun soit un peu responsable dans la gestion de notre pays, si malmené déjà ces dernières années.

La responsabilité. 

Du chaos de la dissolution, du mépris des urnes et de la représentation nationale. De l’argent des français, sauvant les dividendes d’actionnaires tout en supprimant des postes d’enseignants ou de soignants. Des reculs écologiques, de l’abandon d’Ecophyto aux maudites normes sanitaires et environnementales, conçues pour une raison, celle de protéger les français, mais qui deviennent alors un frein irraisonnable à la sacro-sainte compétitivité, dont il faudra nous expliquer comme elle fait vivre nos villages, nos fermes, notre mieux-vivre.

Votre responsabilité, Monsieur le Premier Ministre : là était la question que vous ne nous avez pas posé. C’est pourtant ce qu’il se passe dans toutes les démocraties fonctionnelles : elle sera posée par d’autres que vous.

Monsieur le Premier Ministre, l’an dernier, le Courlis à bec grêle a disparu, marquant la première extinction d’une espèce continentale d’oiseau en Europe. Sur 1h30 de discours, vous aurez concédé 158 mots sur l’écologie, à peine plus sur l’agriculture, réduite à …l’abaissement des « normes » et la fin du port d’armes de l’OFB. « Ceux que l’on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles » dites-vous.

Tout le monde n’aura pas cette chance : Remise en cause du droit du sol, remise en cause de l’égalité devant le droit en raison ‘du nombre », c’est un tout autre discours que vous tenez sur l’immigration, où l’on entend dans vos formules les mots de Brice Hortefeux « quand y’en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ».

Sur la réforme des retraites passée en force malgré la rue et la représentation nationale, vous proposez un « conclave » absurde en refusant obstinément un vote de l’assemblée.

Vous nous parlez de l’IA comme de la solution miracle aux agences de l’Etat que vous entendez réformer et simplifier grâce à une mission flash en créant une agence de simplification (sic). Qu’est ce qui sautera ? Les crédits de l’ADEME ou de l’ANCT ? Ceux de l’OFB ? Ceux de la CNDP ? Ceux de l’INAO, garante des appellations de qualité qui font la fierté et la vitalité de nos filières locales ?

Et si nous commencions par le Haut Commissariat au Plan que vous avez dirigé sans grand résultats probants, sur les privilèges que certains s’octroient sans vergogne, sur les avantages des anciens ministres ou les jolis fauteuils de Gérard Larcher, sur les 98 000 000 000 € (oui ce sont des milliards) de dividendes versés en 2024 par les entreprises du CAC40, un record absolu ?!

Monsieur le Premier Ministre, comme vous, je suis élue dans ce qu’on appelle à Paris la province. Contrairement à vous, je sais que si notre sort, dans la Drôme d’où je viens, n’a souvent été lié qu’à notre capacité à nous débrouiller par nous-mêmes, nous votons et payons nos impôts, nous aimons notre pays et l’Etat doit être celui qui assure l’égalité des territoires, la redistribution, la justice, la santé, l’éducation, notre sécurité aujourd’hui et demain, car sinon nous serons oubliés de cette histoire – si nous ne le sommes pas déjà un peu – et nous ne serons pas les seuls.

L’Etat doit assurer, plus que tout, qu’il considère chacune et chacun de la même manière, qu’il habite à Pau ou à Mayotte, à Séderon ou dans le 17ème arrondissement de Paris.

J’y viens : comme votre prédécesseur, vous avez annoncer vouloir « rouvrir les doléances » du grand débat national. A cette annonce, mes collègues ont cité mon nom, je vous ai écouté attentivement. Mais tout comme pour votre prédécesseur, je n’ai pas compris ce que vous vouliez faire. Les ouvrir, à qui ? Pourquoi faire ?

Monsieur le Premier Ministre, comme des milliers de gilets jaunes, des centaines de milliers de français, les maires ruraux, des archivistes et des chercheurs, je vous demande de restituer et de publier les doléances, afin qu’elles ne soient pas juste un joli mot qu’on utilise lors des discours pour faire comme si on avait un tant soit peu quelque chose à faire de la parole des français, mais une promesse tenue, un acte fondateur d’une autre manière de faire de la politique : pour et avec les gens, et pas contre eux.

Monsieur le Premier Ministre, nous avons passé de longues heures cet après-midi ensemble dans l’hémicycle de l’assemblée nationale. Je n’ai pas tout compris à vos mots, et je ne suis pas sûre que vous ne les ayez tous maîtrisés non plus. Je comprends que vous persisterez à mener la même politique que ces dernières années : rabot écologique, rabot social, rabot démocratique. Je comprends que nos générations vivront sans doute moins bien que celles de nos parents, que nous ne ferons rien, ou si peu, face au cataclysme climatique et sanitaire, que nous nous enfoncerons, malgré tout ce que nos aînés avaient bien pu bâtir après les plus grands drames de notre histoire, dans l’ère du chacun pour soi et de la règle de droit arbitraire selon que l’on soit puissant ou vulnérable. Je comprends, également que malgré les heures d’échanges avec vos ministres et toutes nos concessions, vous ne nous en faites aucune et préférerez gouverner avec l’aval d’autres, à l’exact inverse du front républicain qui a fait élire votre socle commun. 

Monsieur le Premier Ministre, vous n’êtes pas écologiste, entendez que des français s’en préoccupent. Vous n’êtes pas de gauche : entendez que c’est là le bloc politique arrivé en tête aux élections. Entendez que les dividendes monstrueux versés par le CAC40 cette année sont une insulte à tous ceux à qui vous demandez de faire des efforts, et qui le font, parce que les gens croient encore en la République.

Vous vous dites démocrate : entendez ce que les défaites successives de votre camps, ce que la colère, la tristesse, l’impuissance, le désespoir, tous ces sentiments qui parsèment les sondages d’opinion et les cérémonies de vœux dans nos circonscriptions veulent dire de la crise de régime que nous vivons. Entendez que cela ne peut conduite qu’à la continuité, mais à un changement de cap.

Bonne année à vous également.

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