Retour sur la réforme de l’assurance-chômage

Published by Clothilde Baudouin on

Le lundi 3 octobre, l’Assemblée nationale entamait les débats sur le projet de loi porté par le gouvernement concernant la réforme de l’assurance chômage. Droit qui a été institué à l’échelle nationale en 1958 et qui entérinait une revendication ouvrière ancienne : celle de pouvoir éviter de sombrer dans la misère lorsque les aléas de la vie nous imposent une situation où nous ne pouvons travailler. 

Une nouvelle fois, le gouvernement néglige et amoindrit les acquis sociaux et économiques. En effet, l’article premier a été adopté, malgré notre résistance, avec l’intergroupe de la NUPES. 

Mais alors que contient le texte ? Le premier article adopté annonçait la couleur : il donne la possibilité au gouvernement de prendre par voie de décrets et cela jusqu’au 31 décembre 2023, l’ensemble des règles relatives à l’assurance chômage. En d’autres termes, le projet de loi prévoit de réformer ce droit social fondamental sans débat au Parlement, et donc sans contrôle démocratique. On est loin de la « nouvelle méthode » de négociations vendue par la Première ministre au début de la nouvelle législature. 

Cet article atteste d’une loi qui restera, semble-t-il, dans la droite lignée des dernières réformes de l’assurance chômage, notamment celle de 2021. Celle-ci a vu l’indemnisation de 400 000 personnes diminuer de 40 %, et celle de plus d’un million d’entre eux réduite de 17%.

« Je traverse la rue et je vous en trouve du travail » indiquait Emmanuel Macron en septembre 2018, il avait également précisé qu’il ne « céderait rien aux fainéants ». C’est dans la même logique que les parlementaires de la majorité n’ont eu de cesse, la semaine dernière, de faire valoir les “devoirs” des chômeurs plutôt que leurs droits, en mettant fin à l’universalité de cette assurance qui permet à chacune et chacun la dignité, à l’heure où il n’y a pas assez d’emplois au regard du nombre de personnes en demande. 

La fin de l’universalité se retrouve dans le conditionnement des droits au chômage selon la conjoncture économique, qui va à l’encontre même de son principe fondateur d’assurance lors des risques, puisque l’assemblée a voté pour l’application du principe suivant “quand l’économie va bien, les droits augmentent, quand elle va mal, ils baissent”. Elle se retrouve aussi sur la territorialisation des droits, alloués de manière différenciée selon les territoires et départements et l’offre d’emplois disponibles. Elle se retrouve enfin dans les conditions plus strictes pour pouvoir y accéder, en cas d’abandon de poste ou de succession de contrats courts par exemple pour les saisonniers. À 960 euros de chômage, on ne se “fait pas plaisir”, comme l’a argumenté Mme Le Pen. On se bat pour choisir entre se nourrir et aller chez le médecin. On ne mentionnera pas ici la galère dans laquelle nous plongeons nombre de paysan-nes quand il leur faudra recruter des bras à la prochaine saison…

Car qu’est ce qu’une économie qui fonctionne ? 

Entre 25 et 42% des demandeurs d’emploi ne bénéficient pas de l’assurance-chômage, parce qu’ils ne répondent pas aux critères exigés ou par non-recours. La peur d’un chômage diabolisé dans les discours ne poussera qu’un grand nombre de personnes à accepter des emplois « ubérisés » ou précaires, renforçant de fait une société de la concurrence, de la précarisation. Car pendant ces débats, nous aurions pu poser la question de la valeur que nous donnons au travail. Au travail non-rémunéré, au bénévolat associatif, à l’engagement citoyen, à l’aide aux aîné-es ou nos enfants, à la vie familiale ou celle de la communauté; à l’engagement pour la protection de la nature. Nous aurions pu poser la question du temps que nous affectons au travail, quand celui-ci doit nous permettre, au-delà de points de croissance, surtout de nous réaliser et nous émanciper, que ce soit individuellement ou collectivement. Nous aurions pu poser la question du temps libre, des congés, de la vie, du sens de tout cela pour nos sociétés. 

De nos 151 voix réunies dans l’assemblée, nous l’avons fait. Nous continuerons à le faire, résolument. 


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