Mon discours à la plénière des député-es aux Journées d’été des Ecologistes 2022 – Grenoble.
« Vous êtes l’avenir ». C’est ce qu’on nous a souvent dit, avec un sourire compatissant et complaisant, à nous, jeunes, partout en Europe, mobilisé·e·s sur les enjeux environnementaux.
On nous a regardé avec sympathie, taisant nos utopies et notre radicalité par le dénigrement des « idéaux de jeunesse » et un certain pragmatisme institué en dogme.
Ici dans cette salle, et c’est une grande émotion que de les connaître, que de militer à leurs côtés et que de prendre le chemin qu’ils et elles ont tracé, ces utopistes sont nombreux et nombreuses.
Défenseurs du vivant, ils ont alerté sur les sécheresses à venir, ils ont monté des ZAD et arraché les OGM pour défendre un autre monde possible.
Ils ont été la nature qui se défend face au dogme de la croissance infinie et d’un bonheur qui s’achète.
A leur suite, nous sommes la génération qui, depuis l’échec abyssal de Copenhague, a crié la nécessité d’agir immédiatement et impérativement pour sortir des dépendances fossiles.
Nous sommes la génération qui a bloqué des excavatrices dans les mines de charbon ;
qui a fauché les chaises des banques ;
qui a dénoncé, dans les marches climat, la mainmise des lobbies au Ministère de la Transition écologique ;
qui a manifesté avec les gilets jaunes l’injustice d’une transition qui ne reposerait que sur les plus précaires ;
qui a initié la plus grande mobilisation en ligne de l’histoire et une victoire juridique sans précédent avec l’Affaire du Siècle.
Nous sommes de cette génération qui se lève, dans les rues et devant les tribunaux, pour exiger la justice.
Celle qui mène la bataille du XXIe siècle : des pollués face aux pollueurs.
Celle qui désobéit parce que l’ordre établi est en fait un sacré bordel qui ne mène qu’au désordre et à la fin de monde, qui bouscule la hiérarchie des normes, qui fait sienne l’état de nécessité face à une inaction climatique illégale et criminelle.
Celle qui n’accepte plus que Total fasse 10 milliards d’€ de profits en 6 mois sur la mort d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens.
“Nous sommes l’avenir” nous disait-on.
Oui nous sommes l’avenir, mais nous sommes surtout le présent. Nous sommes la dernière génération à pouvoir tout changer.
A devoir tout changer.
Nous sommes le présent. Car la génération climat arrive aux responsabilités.
Cet été, nous avons réintégré l’Assemblée nationale, en formant un groupe qui est un des plus jeunes, un des plus féminisé de l’histoire.
Un groupe de 23 député-es de combat, dans un intergroupe NUPES soudé sur l’urgence sociale et environnementale et en lien avec les parlementaires au sénat à l’Europe et les majorités écolos dans les collectivités.
Noublions pas d’où nous venons, quand nous menons dans ces assemblées toutes les batailles auxquelles nous devons faire face en ce début de siècle qui prend des figures de fin du monde.
Nous ne pouvons pour autant nous voiler la face : les défis sont immenses et nous sommes encore bien trop peu nombreux. De la sobriété subie au profit de quelques-uns, des pénuries non anticipées, de l’accaparement des ressources, des milliards des industriels fossiles qui s’extirpent de leur responsabilité sociétale et climatique.
Mais le nombre, nous l’avons, de l’injustice criante que révèle cette abondance qui d’un coup prendrait fin – quand pas grand monde ne l’avait vue débuter ;
Le nombre, nous l’avons de celles et ceux qui bâtissent des solidarités concrètes face aux manquements de l’État ;
de ces paysans qui tentent de sortir de l’étau des aides à l’hectare pour produire autrement ;
de ces milliers de personnes, qui, peu à peu, quittent leur boulot pour redonner du sens à leur vie.
Nous l’avons de celles et ceux qui luttent contre les colosses aux pieds d’argile, les méga projets destructeurs du vivant, partout sur les territoires,
Le nombre, nous l’avons dans l’angoisse partagée par ces ¾ des jeunes qui souffrent aujourd’hui bien légitimement d’éco-anxiété.
A nous de tendre la main, à nous d’être de tous les terrains, de tous les combats, en allant toujours là où personne d’autre ne va.
A nous aussi d être en conquete, de ces territoires moins urbains, de celles et ceux que nous n’incarnons pas encore, mais aussi de nouveaux droits – comme ceux du vivant, seule garantie de nos droits fondamentaux présents et à venir.
A nous d’écouter et de convaincre, à nous d’aller chercher celles et ceux qui sont les plus éloignées de nous pour former les majorités politiques et les victoires, dont nous et le vivant avons cruellement besoin.
Nous sommes celles et ceux que nous attendions. Et nous ne lâcherons rien.