Guerre Israël – Hamas : déclaration de Marie Pochon

Published by Marie Pochon on

Depuis le 7 octobre, le monde tremble des bombes et des massacres, de ces chairs arrachées à l’autre bout de la Méditerranée, de la haine qui s’insinue partout, même dans nos écoles. Depuis ce samedi, tôt le matin, le plus grand massacre de juifs depuis la Shoah, innommable crime contre l’humanité, la mort est partout, et l’humanité difficile à déceler dans une actualité qui en révèle les faces les plus sombres. Suite à ces attaques terroristes d’une ampleur inimaginable par le Hamas, l’armée israélienne a entamé une opération de représailles dans laquelle ils ont annoncé explicitement vouloir commettre des crimes de guerre. Nous sommes passés, l’espace d’un carnage, d’un conflit contenu par l’occupation illégale, à la volonté de “régler la question” avec toute la brutalité possible. La riposte sanglante qui conduit à l’exil forcé des Palestiniens de Gaza, voire à leur éradication par la guerre est inhumaine et je la condamne avec tout autant de fermeté que j’ai condamné les attentats terroristes du 7 octobre. 

Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir été pétrifié-es ces derniers jours. A vouloir faire cesser ce vacarme pour y retrouver de la nuance, de l’analyse, du contexte politique, des solutions humanistes. Je sais n’être pas la seule, je sais les millions que nous sommes, à regarder le ciel rouge de Gaza, voir les mort-es s’amonceler, les décomptes des viols et des barbaries orchestrées dans les kibboutz, les batailles de chiffres et d’infos se nouer autour de faits que plus personne n’a, tant aucun journaliste international n’est sur place. Pourtant, c’est le rôle des responsables politiques que de tracer des chemins. De donner du sens aux choses que nous vivons, que d’autres vivent.

Depuis plus de 25 ans, le Hamas et Netanyahu se sont opposés au processus de paix issu des accords d’Oslo. Ils ont tout fait pour l’anéantir. La situation actuelle est l’aboutissement de cette stratégie du camp de la guerre. Rien ne justifie, rien n’excuse le fait de faire subir le pire à ses semblables. La vengeance n’est pas une doctrine de notre fonctionnement collectif en société, pas même face aux crimes les plus abjects dont l’humain soit capable. Nous devrions choisir un seul camp: celui de la paix. Un camp dans lequel il n’y aurait plus ni bombes, ni morts, ni haine, ni vengeance. Le combat pour la paix est probablement le plus difficile. Mais il est le seul qui ait un sens.

Nous, Européen-nes, avons laissé mourir le « processus de paix ». Depuis des années, nous finançons des infrastructures vitales à Gaza et en Cisjordanie – celles qui selon le droit international devraient être à la charge de l’Etat occupant -, que les Israéliens s’ingénient à détruire régulièrement. Nous faisons semblant de parlementer avec une « Autorité palestinienne » qui n’a plus d’autorité que le nom, rejetée par la grande majorité des Palestiniens pour sa corruption et sa coopération sécuritaire avec Israël. Nous finançons de manière complaisante l’ensemble des pétro-monarques de la région. Il fallait voir, mardi 10 octobre, le sourire du PDG de TotalEnergies signer un accord pour 30 ans avec le Qatar pour l’exploitation de son gaz ! 3 jours après qu’une organisation terroriste financée par ce même Qatar massacre familles et enfants. 

Et là on n’entend plus ceux qui veulent « couper les vivres ». Trop contents de cette complaisance mortelle, de ces contrats aux milliards sonnants et trébuchants, qui valent bien mieux que toutes les vies anéanties. Pire : toute nuance, tout silence face au vacarme des condamnations en tous sens et sans aucun sens deviennent apologie du terrorisme, on nie la nuance, la complexité et l’histoire, les manifestations pour la paix sont interdites, on mélange antisionnisme à la « haine des flics », une femme disant bonjour en arabe est arrêtée « vous comprenez, par les temps qui courent… ». 

En France, je crois que nous devons plus que jamais nous réunir, nous rassembler, refaire nation, autour du projet Républicain : l’interdiction des manifestations, de se réunir pour commémorer ou espérer la paix, est terrible, dans un moment où nous n’en avons jamais eu autant besoin. Entre les invectives, les injures, la violence et la haine, nous devons porter la voie, exigeante, mais nécessaire, de la paix : saisir la Cour Pénale Internationale, investiguer les crimes, de part et d’autre, qui ont été commis ; exiger fermement un cessez-le-feu, pour préserver les vies humaines, celles des enfants, aujourd’hui sous les bombes, et la libération des otages ; ouvrir un couloir humanitaire d’urgence pour les médicaments, la levée du blocus pour l’eau, le carburant, les besoins essentiels de 2 millions de personnes aujourd’hui à Gaza. 

Nous devons également mener la bataille politique. Elle doit inclure la lutte contre le terrorisme : mais celui-ci ne se combat pas à coups de bombes indiscriminées sur des populations civiles, ni par l’occupation. J’étais en mars à Raqqa, en Syrie, où les milices kurdes continuent de lutter contre des cellules de Daesh, de plus en plus seules. Lutter contre le terrorisme, c’est donner des moyens à nos allié-es de lutter, c’est couper les vivres de financements aux groupes djihadistes, c’est reconnaître l’existence et la dignité de chacun-e. Donc, la voie diplomatique : redonner du souffle à la solution à deux États, cesser l’occupation, assurer la sécurité des uns sans que cela cause atteinte à la dignité des autres. Ce chemin vers la paix est long et difficile, douloureux et déchirant, mais c’est le seul devant nous qui puisse nous permettre de renouer avec notre commune humanité. 

Ces mots ne sont sans doute pas parfaits, certains y manquent, d’autres s’y ajouteront. Sans doute ne parleront-ils pas à toutes et tous, j’espère qu’ils résonneront pour certains. Je connais ces territoires pour y avoir vécu et travaillé, la vie et l’existence de mes ami-es sur place sont menacées chaque jour qui passe. Je ne sais s’il existe de bons mots pour décrire, analyser, contextualiser tant d’inhumanité, je me dis que c’est peut être bon signe quand on ne les trouve pas. 


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